Le dimanche après-midi, à 18h13, le train arrive en gare pour me ramener à Paris. Autour de moi, les gens semblent pressés, ils vont et viennent avec des valises remplies à ras bord, les enfants s'agitent et les parents, stressés, les rappellent à l'ordre.

J'embrasse mes amis sur les deux joues, je leur souhaite beaucoup de bonheur et je monte dans la voiture numéro 15.

Pour ce voyage aller-retour, je me suis offert une place dans une voiture de 1ère classe. Une grande chaise confortable semblait parfaitement appropriée après un week-end de fête.

Assis près de la fenêtre, regardant dans le sens de la marche, je regarde mes amis me saluer, presque les larmes aux yeux, comme si nous n'allions plus jamais nous revoir. En fait, ils habitent dans le même immeuble que moi. Je suppose que votre union de mariage la veille a dû vous émouvoir. Être au centre de toutes les attentions, recevoir tant de messages d'amour de la part de vos proches, puis le stress des préparatifs enfin passés ont dû vous rendre plus sensible.

Moi qui ne suis pas contraire, je leur réponds par de grands signes, enthousiastes et tout, et je me permets même de leur envoyer des baisers amicaux, dans ce style enfantin que les réalisateurs aiment tant. Par la fenêtre je leur souhaite aussi un bon voyage (lune de miel) puisque le lendemain ils partent vers une destination exotique. Vous aurez enfin compris mon message si vous savez lire sur les lèvres.

Pour être complètement à l'aise, j'enlève mes chaussures et place mes jambes sous mes fesses. Le paysage est magnifique en ce moment. Les champs semblent rougir à cause de l'attention que leur porte le soleil de fin d'après-midi ; Tout le terrain est comme en feu. Mon regard s'arrête sur une feuille qui s'agite doucement dans le ciel, puis sur un petit ruisseau où je m'imagine faire une promenade dans un bateau en bois, un chapeau de paille sur la tête. C'est pourquoi j'aime suivre une volée d'oiseaux qui semblent répéter la chorégraphie d'un ballet. Oui, je me sens d'humeur poétique. Je ferme les yeux pour mieux ressentir cette soudaine sérénité qui me vient de je ne sais d'où.

Il y a du mouvement près de moi. On place une valise ou un sac dans les compartiments supérieurs, un journal est posé sur l'étagère entre mon siège et celui devant moi, l'individu s'écrase contre son siège en essayant de s'asseoir, déséquilibré par la vitesse du long passage du TGV. Comme si je testais mes sens, je suis les sons et les gestes de cette personne et j'essaie d'imaginer à quoi elle ressemble. Homme ou femme ? Petit ou gros? Jeune ou vieux? Après quelques approximations et tentatives de capter des odeurs révélatrices comme le parfum, je me sèche et préfère découvrir mon compagnon de voyage à travers mes yeux.

Ah ça, pour une surprise ! Ce n'est pas du tout ce que j'imaginais ! C'est un canon ! Ce fou qui a troublé mon repos s'avère être un homme d'une trentaine d'années, de type méditerranéen, aux grands et mystérieux yeux noirs et au regard aventureux. Je vais mettre la main au feu car il travaille comme reporter de guerre, comme le suggère sa tenue stylisée et légèrement bohème.

En tout cas, c’est exactement comme ça que j’imagine ces héros modernes. Devant mon regard ahuri, il me sourit et sans plus hésiter se plonge dans son… magazine de géographie. Wow, j'ai décroché le jackpot ! Mon corps, mû alors par l'instinct animal de procréation (ou simple coït), prend vie : mes jambes coincées sous mon siège dans une posture juvénile sont tendues et posées, sensuellement croisées, sous l'étagère qui me sépare de cet albâtre. Ma poitrine pointe vers lui, mon regard devient tendre et prêt à l'échange. Cette posture féminine ne semble pas l'émouvoir, son regard n'a d'autre intérêt que les articles qu'il feuillette. Pas de panique, que me reste-t-il ? Je regarde ma montre : une heure quarante-cinq minutes. J'ai tout le temps de me rapprocher de lui et de le connaître pour peut-être le séduire. Mais comment le faire? Je devrais lui poser une question qui briserait la glace et entamerait une conversation. Je le regarde comme si le regarder pouvait m'aider à découvrir les mots magiques qui le sortiraient de son silence. Sentant probablement mon âme complètement tournée vers lui, il lève les yeux de son magazine, sans dire un mot.

Là, je ne comprends pas ! Je ne suis pas moche, je suis une fille plutôt sympa, certes un peu maladroite, mais ça ne peut pas être rédhibitoire. Ça pourrait être un peu plus extraverti de toute façon. Peu importe, ma première tentative a certes été un échec, mais j'ai encore beaucoup de ressources.

Coincée entre une vasque qui empestait l'eau de Javel périmée parfumée à la lavande et un minuscule lavabo, entourée d'une lumière douce mais franche, j'ai appliqué quelques touches de maquillage nécessaires pour sublimer mon teint, un peu de gloss sur mes lèvres pour leur donner une touche de rosée. Et sensuelle de celui qui les a léchés. J'ajoute une goutte de parfum derrière chacun de mes lobes d'oreilles. Pour parfaire mon look de femme fatale, je déboutonne un peu ma chemise pour offrir une vue vertigineuse sur ma gorge.

En tout cas, je pense à ça, à cette position animale, à deux corps en sueur qui se font plaisir, à une petite tape sur mes hanches pour motiver mon enthousiasme. Avant de balancer mon bassin en l'air, ce qui aurait le mérite d'être suggestif mais serait sans doute vulgaire, je me lève et lui fais un large sourire. J'aimerais lui dire quelque chose, me moquer de lui, c'est le bon moment, mais je suis toujours coincé. Il me regarde surpris. Cependant, je crois voir un sourire amusé apparaître sur ses lèvres. Aurait-il eu les mêmes pensées lascives que les miennes ?

Relisez-le, mais j'ai toujours l'impression d'avoir fait valoir un point. Je me tiens donc devant lui avec l'intention d'exciter ses sens et de ne lui laisser d'autre choix que de m'offrir ce que je désire.

Sans aucun mouvement de sa part, j'apporte mes caresses jusqu'à ma gorge. Je glisse délicatement mes doigts le long de mon cou. Comme poussés par le désir d'une atmosphère plus rembourrée, ils descendent doucement, avec des gestes lents, jusqu'à mes seins libres et sans soutien-gorge. Du bout des doigts, je passe discrètement – bien que la perspective d'être vu par d'autres voyageurs m'excite – je passe mon index sur mon téton déjà dressé. De petits frissons me parcourent. Les doigts tournent puis s'aventurent dans le galbe de ma poitrine, parfaitement ronde et ferme. Une douce chaleur m'envahit, je ferme les yeux et pose ma tête contre la fenêtre pour ressentir encore mieux ce plaisir. Je pince mon mamelon, imaginant que ce sont des lèvres chaudes qui le mordent. Ces mêmes lèvres qui couvriraient mon corps de baisers.

Cette idée en entraîne d'autres, et très vite je m'imagine nue, à califourchon sur lui, dans une folle chevauchée où je monterais et descendrais le long de son sexe, parfaitement lubrifié par le mien, gourmand et affamé. Cédant à mes rêveries et à mes caresses, j'en oubliais presque le but principal de ma manœuvre, jusqu'à ce que je l'entende bouger sur son siège.

J'ouvre les yeux et je le vois me regarder par-dessus son magazine. Je le regarde dans les yeux, ma main toujours posée sur ma poitrine nue. Il soutient mon regard. Dans le sien, je n'arrive pas à déchiffrer ses intentions. De toute façon, il ne bouge pas, aucun mot, aucun son ne sort de sa bouche. Une attitude passive et d'attente. Je l'adopte et lui laisse quelques minutes pour digérer la scène et comprendre ce que j'attends de lui : un signe qui m'autorise à aller plus loin. Un laissez-passer pour réaliser mes souhaits.

Apparaissant calme et serein, mes entrailles sont complètement excitées. Et je ne parle pas que d'émotions, ma culotte est trempée. Mais j'attends. Et je savoure cette attente car je sais que cette frustration ne fera que rendre nos prochains ébats encore plus agréables.

Il se lève de son siège, je le suis. Pendant quelques instants j'ai peur qu'il se dirige vers le bar dans la voiture 14, mais non, il s'arrête devant la porte des toilettes où je suis allé auparavant. Il s'arrête devant et me demande de passer devant lui. Ce genre de galanterie m'émeut. Dommage qu'on n'entre pas dans un lieu spacieux, avec de belles lumières douces, riches en coussins moelleux ; cette attitude aurait été mieux soutenue. J'entre par la porte et sans me retourner j'attends. Je ne veux pas y faire face tout de suite. J'entends le bruit du loquet qui vient de tourner. Nous sommes tous les deux enfermés dans cet espace restreint. Je ne bouge pas, je ne respire plus. Sa présence est derrière moi, déjà en moi.

Même en lui tournant le dos, je perçois un mouvement de sa part. Ses mains sont désormais sur mes seins, qu'il masse d'abord doucement, comme pour les connaître sans trop les brusquer, puis sa pression se fait plus forte. De la main droite je caresse son sexe par-dessus son pantalon : c'est déjà dur. Et grand. Cela semble sans fin. Je glisse mon autre main dans ma culotte pour vérifier que mon état d'excitation est au même niveau que le sien. Nous sommes en phase.

Je lui conseille : « Prends-moi ! Viens en moi ! Immédiatement ! » Il enfile rapidement un préservatif et le fait franchement. Cette première entrée me remplit d’un immense plaisir, presque d’un soulagement. Ses poussées sont puissantes, sa queue s'enfonçant profondément en moi. Je me mords la lèvre pour ne pas crier. Notre rythme est, dès le début, très rapide, comme l'impatience, une envie d'y aller fort, de toutes nos forces, pour ne pas perdre une seule seconde de l'étreinte. C'est très animal, et y penser me donne encore plus envie de lâcher prise, de jouir intensément, vite, presque immédiatement. Je me penche un peu plus en avant, cette position lui permet de pénétrer plus profondément en moi. C'est bien. Je ne ralentis pas, lui non plus, nos corps se heurtent, son sexe sur le mien fait des bruits de succion.

Des gouttes d'émotion tombent sur mes cuisses. Je n’en peux plus, des petits spasmes me secouent. L'orgasme arrive. Je n'ose pas lui dire de peur qu'il ne soit pas prêt et qu'il ralentisse. Je préfère me taire et profiter de ce plaisir sans le partager. L'espace d'une seconde, c'est comme si j'avais perdu connaissance, je ne ressens que l'abandon, que l'extase du bref instant. Plus rien n'existe, je ne suis plus dans les toilettes d'un train à grande vitesse, je ne me suis plus livré brutalement à un parfait inconnu.

Un gémissement étouffé sort de ma gorge, je l'entends aussi... enfin, je pense... J'ouvre les yeux.

Il se tient devant moi, le poing devant la bouche de celui qui vient de tousser, gêné... Il me faut quelques instants pour retrouver mon calme. Je comprends : je m'étais endormi. Je fais de mon mieux pour cacher ma gêne avec de petites égratignures rappelant un chat sur la gorge, ce qui expliquerait les gémissements que j'ai pu pousser lors de mon rêve érotique. Pour retrouver mon calme et vérifier combien de temps il me reste devant lui, gêné, je regarde l'heure sur ma montre. Le calvaire ne durera pas longtemps, nous arriverons à Paris dans quinze minutes.

Sur le quai, valise à la main, je me dirige rapidement vers l'entrée du métro, repensant à ce voyage, à cet homme, à son sourire avant d'entrer dans la station. Je ralentis le pas, mon sentiment de gêne s'évaporant pour laisser place à l'amusement, un sourire malicieux s'étalant sur mon visage. Après tout, peut-être qu'il n'est pas trop tard ? J'allume une cigarette et j'attends qu'il vienne vers moi. Je le vois au loin. D'un pas sûr et balancé, il s'avance vers moi tel un conquérant. Aimez-le et donnez-moi le courage d’y répondre directement cette fois. Quand il me voit, il me fait signe. Il doit aussi regretter que nous ne nous soyons pas croisés lors de notre voyage. Face à face, nous nous sommes regardés, sans dire un mot. Des promesses de jouissance s'échangent en silence.

« Peut-être que nous pourrions prendre un café ensemble, si vous n'êtes pas très pressée, mademoiselle.

En une phrase, quelques mots prononcés et mon fantasme s'est effondré tel un ballon transpercé par une fléchette. Sa voix nasillarde, son ton adolescent, sa grammaire qui suggère de nombreuses heures d'absentéisme scolaire me déçoivent complètement. Sans plus d'explications, j'ai jeté le mégot encore allumé et j'ai dévalé les escaliers de la bouche de métro en lui criant : « Je suis très, très pressé, excusez-moi !!! » », Sans lui laisser la possibilité de me répondre quoi que ce soit.

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